• Programme UMP: le crash-test!

    Comme pour Europe Ecologie-Les Verts, le Parti socialiste et le Front de gauche, Mediapart a passé au crible le projet de l'UMP pour les élections présidentielle et législatives.

    Exhaustif, il se lit en complément de l'article qui dresse l'inventaire des manques de ce projet.

    | Par La rédaction de Mediapart

    « 13.000 participants aux conventions nationales, 17.600 courriers et mails de contributions, plus de 500 réunions de travail, 120 rapports, 320 réunions pendant plus d’un an » : autant de chiffres vertigineux affichés par l’UMP dans son magazine interne pour montrer qu’elle a beaucoup travaillé sur son projet (consultable ici – Projet 2012 de l'UMP – et téléchargeable sous l'onglet « Prolonger », tout comme l’abécédaire de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007).

    A l’arrivée, 40 propositions ont été classées sous trois thèmes : le courage, le rassemblement et l’ambition. Les adhérents votent pour ou contre ce projet depuis le 14 janvier et jusqu’au 26, avant l’étape finale, la validation – ou pas – par un vote du Conseil national de l’UMP le 28 janvier. Courage, ambition, rassemblement : que recouvrent ces termes ? Essentiellement des propositions économiques. En fait, de nombreux domaines sont à peine effleurés dans ce projet, voire désertés (lire notre article ci-contre sur les nombreux manques de ce projet).

    Mediapart a passé au crible cette quarantaine de propositions. Nouveautés, promesses de 2007 recyclées, propositions dignes de celles du FN, paroles creuses : voici le crash-test de notre rédaction.

    • Emploi et social

    Sortir des 35 heures en inventant une nouvelle démocratie sociale

    « Nous travaillons moins que dans les autres pays européens et développés. » Le programme économique de l'UMP commence par un quasi-mensonge. Car si la durée conventionnelle du travail (35 heures depuis les lois Aubry) est bien la plus faible d'Europe – la France est le seul pays à avoir autant réduit la durée légale du travail –, les Français travaillent en réalité bien plus : 41 heures pour les personnes à temps complet selon l'Insee. C'est plus qu'en Suède, qu'au Danemark, en Irlande, en Finlande, aux Pays-Bas, au Luxembourg.

    Si l'on prend en compte l'ensemble des actifs (temps partiels compris donc), la durée moyenne du travail des Français est de 38 heures selon l'OCDE, un chiffre qui stagne depuis plusieurs années. C'est en tout cas bien plus que dans de nombreux pays de l'OCDE, à commencer par l'Allemagne, très souvent citée en exemple par le gouvernement. De l'autre côté du Rhin, on ne travaille que... 35,8 heures par semaine en moyenne.

    Sur le fond, l'UMP entend encourager dès 2012 la négociation d'accords sur le temps de travail par branches, ou le cas échéant, entreprise par entreprise. Mais en réalité... c'est déjà possible ! En 2008, une loi a enterré de fait les 35 heures et laissé le champ libre aux entreprises pour définir le temps de travail (lire notre article). Les 35 heures sont devenues une coquille vide. De toute évidence, l'UMP entend surtout avec cette proposition s'adresser à ces nombreux dirigeants d'entreprise qui n'ont pas digéré la deuxième loi Aubry obligeant les entreprises à mettre en place les 35 heures.

    Le parti de Nicolas Sarkozy espère aussi convaincre ces ouvriers et employés (nombreux) pour qui la réduction du temps de travail s'est soldée par plus de flexibilité. Reste que cette proposition bute sur deux obstacles majeurs : la très mauvaise qualité du dialogue social dans les branches professionnelles, et surtout l'absence de croissance, qui rend toute perspective d'augmentation de la durée du travail vaine.

    L'UMP offre par ailleurs un magnifique exemple d'obstination en reconduisant le dispositif d'exonérations des heures supplémentaires, dernier vestige de la loi TEPA de 2007. Un non-sens : il a coûté très cher, a sans doute nui à l'emploi en période de récession et a surtout profité aux employés les mieux payés (lire notre article).

    Alléger le coût du travail

    Première solution proposée, la TVA sociale, présentée dans le programme comme un « transfert des cotisations sociales pesant sur le coût du travail vers une fiscalité anti-délocalisation ». Cette taxe sera d'ailleurs présentée au Parlement dès le mois de février, même si ses chances d'être adoptée avant la présidentielle sont très faibles... Comme Mediapart l'a souvent écrit, si elle peut à long terme bénéficier aux entreprises et contribuer à accroître leur compétitivité, elle aura pourtant à court terme des effets néfastes, en pesant fortement sur la consommation et les salaires.

    Pas sûr qu'il s'agisse là d'une idée franchement bien reçue par des millions de Français pour qui le problème principal est justement que « tout augmente, sauf les salaires ». A moyen terme, l'UMP aimerait transférer une partie du financement de la protection sociale, qui pèse aujourd'hui fortement sur le travail. Un immense chantier, seulement esquissé en quelques mots dans le programme de l'UMP.

    Miser sur la formation professionnelle / Accompagner chacun vers l'emploi

    « Garantir l'employabilité des travailleurs français, c'est la meilleure assurance contre le chômage. » La remarque est cocasse : alors que le nombre de demandeurs d'emploi dépasse désormais 4,5 millions, le nombre de personnes sans emploi depuis plus d'un an augmente de façon dramatique. Depuis plus de trois ans maintenant, des centaines de milliers de Français s'éloignent un peu plus chaque jour de l'emploi. Force est de constater que ces dernières années, le gouvernement n'a pas fait grand-chose pour garantir leur « employabilité ». Par ailleurs, le gouvernement Fillon a échoué à réformer la formation professionnelle, qui est dans un état calamiteux.

    L'UMP propose de développer l'apprentissage et l'alternance, des pistes effectivement bienvenues. Le nombre des apprentis serait porté à un million en 5 ans. Cet objectif de doubler les effectifs est cependant une vieille promesse de Nicolas Sarkozy, rappelle le professeur d'histoire de l'éducation Claude Lelièvre. Il serait possible de devenir apprenti dès 14 ans, piste déjà explorée en 2005 par un certain... Dominique de Villepin, aujourd'hui candidat à la présidentielle contre Nicolas Sarkozy. A l'époque, cette proposition avait suscité une bronca, le gouvernement étant accusé de vouloir sortir prématurément certains élèves du système scolaire. L'UMP propose enfin une idée originale : un compte individuel de formation « dont le capital de départ sera inversement proportionnel à la formation initiale ». Sur le papier, de quoi atténuer certaines inégalités sociales. Sauf qu'on n'en sait guère beaucoup plus.

    Créer une différence plus importante entre les revenus du travail et de l'assistance

    La lutte contre l'assistanat. C'est bien l'ADN du projet de l'UMP pour cette campagne présidentielle. Un choix stratégique, afin de contrer l'abstention et la montée du Front national, et d'espérer récupérer ces ouvriers et employés qui avaient voté pour le Nicolas Sarkozy héraut de la « France qui se lève tôt ». En termes assez vagues, l'UMP entend donc passer d'une « logique d'assistance à une logique de responsabilité ». Le parti veut que « les revenus du travail [soient] toujours supérieurs aux revenus issus de la distribution ». Il fustige la « fraude », une prétendue « préférence française pour l'indemnisation passive ». Ces arguments, ressassés depuis la défaite de l'UMP aux cantonales, doivent pourtant être très fortement nuancés.

    « La France a le modèle social le plus généreux des pays de l'OCDE », affirme l'UMP. En France, la dépense sociale représente en effet 28,7 % du PIB selon les dernières données disponibles, ce qui en fait le champion incontesté des pays développés. Ce filet de protection efficace a aidé notre pays à mieux se sortir de la crise que bon nombre de ses voisins.

    Mais les minima sociaux, explicitement dans la ligne de mire de l'UMP qui cible dans son programme le RMI créé par les socialistes, ne représentent qu'une toute petite part : quatre cinquièmes des dépenses de la Sécurité sociale (soit 480 milliards d'euros au total) sont absorbées par la vieillesse et la santé, occasionnées par l'ensemble des Français.

    Par ailleurs, si certaines aides sont effectivement réservées aux plus pauvres, éventuellement bénéficiaires des minima sociaux (aides à la cantine scolaire, transports, etc., les fameux « droits connexes »), elles sont le fait de municipalités ou de collectivités locales, et ne relèvent pas de la solidarité nationale. Contrairement aux idées reçues, en France, les minima sociaux (et notamment le RMI devenu RSA) sont parmi les plus faibles d'Europe.

    De très nombreux Français, parce qu'ils ne sont pas informés et/ou ont honte de demander, ne font d'ailleurs même pas valoir leurs droits aux minima sociaux. Quant à la fraude si souvent mise en avant par l'UMP, elle est d'abord le fait... des employeurs. Enfin, à rebours de la thèse de l'assisté fainéant, plusieurs études montrent que même si le gain à la reprise d'un emploi est faible, les bénéficiaires de minima sociaux veulent en général tout de même en retrouver un.

    Pour lutter contre l'« assistanat », l'UMP propose la fusion de la prime pour l'emploi et de la partie activité du RSA. Le parti souhaite que les revenus « sociaux » (minima sociaux + droits connexes) ne dépassent pas 75 % du Smic – une mesure qui semble difficile à mettre en place tant les aides varient en fonction des collectivités. Il entend « rendre les allocations chômage dégressives dans le temps ». Il souhaite « inciter les bénéficiaires du RSA » à effectuer des petits contrats d'insertion.

    Des expérimentations ont déjà été lancées dans certains départements gérés par la majorité. En fait, il s'agit moins d'incitation que d'obligation : le RSA de ceux qui refusent de tels contrats serait réduit. L'UMP ne précise pas comment, ni qui financera de tels contrats. En 2011, 1,4 million de personnes percevaient le RSA et n'avaient aucune activité.

    Lutter plus efficacement contre la fraude

    Prévenir les fraudes en créant une « carte sociale sécurisée », biométrique, associée à un numéro unique d'enregistrement, et qui regrouperait « les informations ouvrant des droits (état civil, situation familiale et professionnelle, etc.) » : ce projet n'est rien d'autre que l'amorce d'un fichage généralisé de la population, le «etc.» laissant la porte ouverte à toutes les dérives du contrôle social.

    C'est une mesure prônée également par le Front national. Si elle était appliquée un jour, ce serait un grand bond en arrière pour les libertés civiques et la démocratie. Créer un « fichier national des fraudeurs sociaux et fiscaux » est une proposition qui renforce la précédente et qui, au prétexte de lutter contre la récidive, accentue les possibilités de fichage des citoyens.

    • Economie et PME

    Supprimer les freins à la croissance des PME : effets de seuil sociaux et accès aux financements

    Il faut bien décrypter ces propositions de l’UMP pour percer les dangers potentiels qu’elles pourraient receler. Pour ce qui concerne les « freins à la croissance », d’abord, il faut relever que c’est un cheval de bataille ancien du patronat et de la droite. C’est donc un ingrédient que l’on retrouve dans tous les fonds de sauces des programmes de l’UMP et, avant, du RPR depuis près de trente ans. En 1984, le CNPF (l’ancêtre du Medef) préconisait ainsi ce qu’il appelait des « Encas » (comprendre : emplois nouveaux à contrainte allégée) et jurait que si on l’écoutait, l’économie française créerait de 500.000 à un million d’emplois supplémentaires.

    Jacques Chirac a obtempéré en 1986, avec la suppression de l’autorisation préalable aux licenciements et diverses mesures de dérégulation du travail, mais les emplois promis n’ont jamais suivi.

    Plus récemment, Jacques Attali a proposé, lui aussi, avec la commission qu’il présidait, de faire sauter différents « freins à la croissance ». D’inspiration libérale ou ultralibérale, le simple énoncé de « freins à la croissance » suggérait que des protections sociales trop larges étaient censées étouffer le dynamisme de l’économie. On sait donc alors ce qu’il en advint : en janvier 2008, la commission Attali a proposé une rafale de propositions réactionnaires (libéralisation des professions réglementées, purge budgétaire violente…), au moment précis où la crise économique était en train de se creuser. Résultat : Nicolas Sarkozy a jeté la plupart de ces propositions à la poubelle, de peur de tendre encore plus une situation sociale déjà passablement tourmentée.

    La reprise de cette thématique dans la plate-forme de l’UMP suggère que la droite veut repartir à la charge dans une politique de déréglementation sociale. Une piste est particulièrement suggérée – et particulièrement inquiétante : le parti propose de remettre en cause les effets de seuils, qui garantissent des droits sociaux (présence de délégués syndicaux, création de comité d’entreprise…) dans les petites entreprises, c’est-à-dire dans les lieux mêmes où le paternalisme et l’autoritarisme sont parfois les plus pernicieux, et là donc où le syndicalisme et les procédures sociales collectives auraient le plus besoin d’être protégées. Le message subliminal de l’UMP est le suivant : chassons le syndicalisme des PME, et cela générera plus de croissance.

    Par contraste, le second volet de cette proposition apparaît presque sympathique. L’UMP préconise ainsi de moduler l’impôt sur les sociétés – ce que propose depuis longtemps le PS, et ce que la gauche avait fait dans les années 1980. L’UMP propose aussi de renforcer le Fonds stratégique d’investissement (FSI), en l’adossant à des structures régionales. Ce qui apparaît judicieux. Il y a juste un bémol : dans le capitalisme de connivence à la française, le FSI voulu par Sarkozy est devenu une machine qui avantage scandaleusement des obligés du Palais, comme l’ont établi plusieurs enquêtes de Mediapart. Alors, des FSI régionaux seraient-ils plus vertueux ?

    Faciliter l'accès à l'innovation, aux talents et aux marchés

    Cette partie du projet de l’UMP est un poncif habituel dans tous les programmes de la droite depuis des lustres, pour caresser le petit patronat dans le sens du poil, mais qui n’est adossé à aucune proposition concrète.

    Simplifier : halte à la complexité administrative

    Pour une part, cette proposition rejoint la précédente : elle relève du paquet un tantinet poujadiste ou populiste, à fort relent antifiscal et anti-fonctionnaire, que l’UMP aime bien présenter, pour draguer des électeurs tentés par la droite radicale. Ce n’est certes pas la seule raison. L’Etat et certains de ses services justifient sûrement des efforts de rationalisation, et la logique du « guichet unique » peut en certains cas se justifier.

    Mais l’UMP va au-delà. Sans bien préciser les modalités précises des réformes auxquelles elle pense, elle indique une piste : il faut que l’administration passe « d’une logique de contrôle à une logique de service ». Or, même en en restant à ce niveau de généralités, la proposition est, en soi, inquiétante : l’administration fiscale doit-elle d’abord aider les PME et moins user du contrôle fiscal ? L’inspection du travail, dont les pouvoirs de contrôle ont déjà été gravement amputés depuis deux décennies, doit-elle suivre cette même recommandation ? Inquiétant… Dans ses missions, l’Etat doit sûrement être protecteur, incitateur, facilitateur. Mais sa fonction démocratique est aussi la régulation, et s’il le faut la sanction. N’en déplaise à l’UMP !

    Promouvoir des industries fortes en Europe : la fin de la libéralisation et de la concurrence comme dogme

    On retrouve dans cette section les réflexes fondamentalement antilibéraux de la droite bonapartiste française. Le refrain « c’est la faute à Bruxelles » est une vieille ficelle du discours politique hexagonal et le concept de « champions nationaux » ayant droit à la sollicitude infinie de l’Etat est d’une ringardise totale. Venant du « parti du président », on devine aussi, en transparence, le mythe du « Sarkozy sauveur d’Alstom » face à la méchante Commission européenne représentée par Mario Monti.

    L’Union européenne, et la France tout spécialement, ne manquent pas de groupes ayant la dimension mondiale. La crise financière a même provoqué une nouvelle vague de concentrations dans les services financiers, BNP Paribas (après l’absorption de Fortis) affichant un bilan supérieur au PIB français. En d’autres termes, la crise a bénéficié à ceux qui en étaient largement responsables.

    Affirmer qu’aujourd’hui « les économies européennes sont intégrées » est tout simplement une contrevérité. Que l’on s’en félicite ou qu’on le déplore, les représentants de l’UMP au Parlement européen, à l’instigation de Jacques Chirac et sous la houlette de Jacques Toubon, ont figuré parmi les principaux artisans du détricotage de la fameuse « directive Bolkestein » sur l’achèvement du marché unique dans le domaine des services. Ce sont ces secteurs non exposés à la concurrence internationale mais au pouvoir de lobbying pesant qui exploitent des rentes au détriment de la compétitivité globale du pays. Voir la calamiteuse baisse de la TVA dans la restauration.

    Le couplet sur les « aides d’Etat » renvoie à cette idée, démentie à peu près partout, que l’Etat est le mieux à même de choisir les secteurs stratégiques et de sélectionner les futurs vainqueurs dans la compétition mondiale. La vérité est que l’économie française manque cruellement de ces « ETI », entreprises de taille intermédiaire, le « mittelstand » allemand, PME/PMI qui ont été capables de grossir, de conquérir des positions de force sur les marchés mondiaux, de s’émanciper de la concurrence par les prix et de créer des emplois hautement qualifiés.

    Et cette situation n’est pas sans lien avec la polarisation de l’économie française entre quelques très grands groupes choyés par l’Etat, installés depuis des décennies en position de monopole ou d’oligopole, et des PME/PMI qui, pour de multiples raisons, ne parviennent pas à changer de braquet. Le taux de renouvellement des entreprises françaises est au demeurant un des plus faibles de tous les pays avancés.

    Cela vaut d’ailleurs également pour la recherche, quand on sait que le tellement vanté « crédit d’impôt recherche » a été en grande partie capté par les très grandes entreprises, sans pour autant que le niveau global des dépenses de recherche des entreprises françaises se rapproche de leurs concurrentes américaines, allemandes ou japonaises. Faire remonter le financement de la recherche au niveau européen est une excellente idée, si cela permet d’éviter les doublons, de nourrir des réseaux de coopération, de faire émerger des pôles d’excellence. Au fait, à quand une augmentation substantielle du dérisoire budget communautaire ?

    Faire du « made in France » une marque aussi reconnue que le « made in Germany »

    « La filière numérique est un atout essentiel pour la France en termes de compétitivité de l'ensemble de l'économie. C'est un gisement de croissance, d'innovation et d'amélioration de la qualité de vie qu'il faut toujours mieux valoriser. Nous souhaitons inciter chaque Français, mais aussi chaque PME à tirer bénéfice des progrès du numérique. » C'est une allusion directe à l'étude de McKinsey, « Impact d'Internet sur l'économie française », dévoilée en mars 2011 et systématiquement mise en avant par l'exécutif (eG8, installation du Conseil national du numérique, présentation du plan France numérique 2012-2020). Cette étude, selon laquelle « Internet contribue plus que d'autres secteurs de l'économie tels que les transports, l'énergie, l'agriculture, la finance ou encore le commerce » à l'économie française ou que le secteur « est responsable d'un quart de la croissance française entre 2004 et 2009 » et représente « 25 % des emplois créés en France depuis 1995 », marque formellement la conversion de Nicolas Sarkozy au numérique.

    Le problème, c'est que ce rapport a une vision très extensive du secteur numérique. Par exemple, le chiffre de 700.000 emplois créés en 15 ans ne correspond à rien de réel puisque, de 1995 à 2010, les métiers du numérique (informatique, télécom, éditeur...) ont créé tout au plus 269.000 emplois (chiffres du Munci). C'est bien, mais on tombe à moins de 10 % des emplois créés.

    « Nous proposons d'établir une procédure unique faisant intervenir systématiquement l'autorité judiciaire  hors circonstances exceptionnelles  pour la mise en place de blocage ou de filtrage sur le réseau. » Apparemment, c'est un renversement complet de perspective puisque de l'Hadopi à la Loppsi, de la directive Ipred à l'accord commercial multilatéral ACTA, l'UMP a toujours favorisé le blocage ou le filtrage sans intervention de la justice – jugée trop lente pour être efficace – et n'a concédé l'intervention judiciaire que lorsqu'elle y a été contrainte, par le Conseil constitutionnel pour la loi Hadopi 1 par exemple.

    On pourrait se réjouir de cette évolution, mais il faut éclaircir ce que l'UMP met derrière l'adverbe « systématiquement » (procédure simplifiée ? justice d'abattage ?), « autorité judiciaire » (un procès contradictoire avec présence d'un avocat de la défense ou un procureur agissant sur instruction de la chancellerie ?) et, évidemment, déterminer quelles « circonstances exceptionnelles » feraient que l'on pourrait s'affranchir du droit.

    « Nous voulons faire de la neutralité d'Internet un objectif politique pour garantir la liberté d'expression et un environnement favorable à l'innovation » : l'UMP est-elle indécise ? Il faudra savoir : soit il y a filtrage et cela veut dire que l'on se préoccupe de ce qu'il y a dans les tuyaux, soit il y a neutralité et on s'en moque. Là encore, la proposition est séduisante sur le papier, mais elle a déjà été débattue pendant le quinquennat et ce qui en est ressorti peut faire craindre une interprétation très dévoyée du principe – déjà consacré par le code des postes et télécommunications, qui précise que le facteur ne doit pas ouvrir l'enveloppe pour savoir ce qu'il y a dedans – de neutralité des réseaux.

    Quand Nathalie Kosciusko-Morizet était secrétaire d'Etat à l'économie numérique, elle a pu dire qu'aucune discrimination ne pouvait être mise en place pour des motifs commerciaux mais qu'en revanche, elle ne posait aucun problème si l'opérateur les justifiait de façon technique. Qui dira-t-on si l'on n'utilise pas le prétexte d'un engorgement fantasmé sur l'internet fixe pour justifier des restrictions à motivations commerciales ? Pas sûr qu'il y ait une « intervention systématique de l'autorité judiciaire » sur ce sujet.

    « Nous voulons faire du déploiement du très haut débit, un grand projet national d'infrastructure avec une couverture d'ici 2020 de 100 % du territoire. La réduction de la fracture numérique est un accélérateur de la croissance française » : politique keynésienne de grands travaux. Excellent. Encore faut-il que ce ne soit pas l'État qui prenne à sa charge les travaux d'infrastructure pour les céder à vil prix à des entreprises privées qui auraient normalement consenti l'investissement. L'intervention publique est réellement légitime dans ce secteur concurrentiel lorsque aucun opérateur n'est prêt à équiper une zone géographique enclavée et qui, pourtant, a tout autant le droit qu'une ville dense d'être raccordée au réseau.

    • Education

    Faire confiance aux familles et accompagner les parents dans leur mission éducatrice

     Faire de la famille « le premier lieu de l'éducation » est traditionnel à droite, quand la gauche en général, et les profs de gauche en particulier, sont accusés d'entretenir un rapport de défiance vis-à-vis des parents. Le programme de 2007 usait déjà des mêmes formules, au mot près, sur la fonction centrale des familles dans le système éducatif. Avec, déjà, la même philosophie : aider celles qui en ont besoin et sanctionner celles qui faillissent.

    Reste que derrière les formules ronflantes du type « Le développement de l'aide à la parentalité est un axe majeur de la politique familiale du XXIe siècle », on trouve bien peu de propositions concrètes. Soutenir la création de « maison pour les familles », idée chère à Claude Greff, secrétaire d'Etat chargée de la famille, est une idée qui ne mange pas de pain. Ce type de structure d'aide aux familles existe depuis longtemps avec un financement qui revient généralement aux collectivités locales. L'Etat viendrait donc labelliser ce qui existe déjà.

    Le chapitre répressif pour les familles défaillantes est, lui, nettement plus précis, même s'il ne fait que reprendre ce que Nicolas Sarkozy proposait déjà en 2007, à savoir la suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme récurrent de l'enfant. Malgré le battage autour de cette mesure très controversée défendue par Eric Ciotti, à la fin de l'année 2011, seules 165 familles ont vu leurs allocations suspendues. Beaucoup de bruit pour (presque) rien.

    Quant à la proposition de fractionner le congé parental sur les 15 premières années de l'enfant, et non plus les trois premières années, on peine à voir à qui elle s'adresse (s'arrêter de travailler pour se colleter un pré-ado difficile ?). Mais elle fait au moins plaisir aux associations familiales proches de l'UMP.

    Enfin, faire de la famille le lieu par excellence de l'éducation, et l'affirmer en première place de la partie du programme consacrée à l'éducation, permet de rejeter dans la sphère privée la fonction éducatrice. Voilà qui relativise grandement le désastreux bilan des cinq dernières années : suppression de 80.000 postes dans l'éducation, casse de la formation des enseignants...

    Renforcer la maîtrise des savoirs fondamentaux et les références communes à tous les Français

    Sur ce front, rien de très nouveau. Le « retour aux fondamentaux » à l'école primaire a été mis en place en 2008 par Xavier Darcos. Comme en 2007, l'UMP lie néanmoins cette réforme à l'instauration d'un système d'évaluation généralisée : des élèves, des profs, des établissements. L'UMP propose aussi, comme l'avait déjà fait le candidat Sarkozy en 2007, de rendre publics les résultats obtenus par chaque établissement. Les parents, au vu des résultats de telle ou telle école, pourraient librement choisir le « meilleur ». Une proposition dans le droit fil de l'assouplissement de la carte scolaire qui visait à libéraliser un peu plus le système éducatif.

    Si l'évaluation des élèves a bien été mise en place en CE1 et CM2, devant la levée de boucliers du monde enseignant, le ministère a renoncé à publier les résultats par établissement. L'UMP inscrit donc de nouveau au programme cette mesure, en espérant sans doute que les forces syndicales s'épuisent.

    S'agissant de la proposition d'un « socle culturel commun » qui consisterait à « renforcer l'apprentissage de l'histoire et de la géographie en primaire » mais aussi « le rôle de l'instruction civique et de la morale », à moins qu'il ne s'agisse d'un dernier avatar de l'identité nationale à l'usage des petits, la formule semble relever du pur bla-bla électoral. Au plus fort de la mobilisation contre les suppressions de postes dans l'éducation nationale, on se souvient que Luc Chatel avait déjà parlé d'instaurer des cours de morale en primaire, comme l'ont déjà fait plusieurs de ses prédécesseurs, un refrain sans aucune conséquence et qui plaît toujours à un électorat nostalgique.

    Donner un nouvel élan à l'école en accordant plus d'autonomie aux établissements

    C'est dans cette proposition aux accents sympathiques (« élan », « autonomie ») que se niche l'une des propositions les plus radicales de ce programme. Jamais, en matière scolaire, la droite n'est allée aussi loin. Alors qu'elle préfère souvent avancer masquée sur un terrain miné pour elle, l'UMP a cette fois franchi un cap. Proposer l'autonomie des établissements scolaires, tant sur le budget (autonomie partielle), que sur le recrutement et l'évaluation des enseignants, voire sur le contenu des programmes, consacre la fin d'un modèle républicain au profit d'une mise en concurrence généralisée du système.

    Avec l'ambition de « responsabiliser » les chefs d'établissement, l'UMP vise à les transformer en patron de PME soucieux de garder, voire de gagner, des parts de marchés. A charge pour eux d'attirer les meilleurs enseignants et qu'importe si dans cette compétition, l'établissement tranquille de centre-ville part avec un peu d'avance sur le collège de lointaine banlieue... Que les écarts, déjà criants, entre établissements soient appelés à se creuser ne semble pas préoccuper l'UMP qui croit dur comme fer que la concurrence aidera chacun à donner le meilleur de lui-même.

    En donnant les pleins pouvoirs au chef d'établissement, l'UMP vise aussi à caporaliser un monde enseignant jugé bien trop incontrôlable. En se calquant sur le fonctionnement des établissements privés sous-contrats, l'UMP rêve sans doute à la paix sociale qui y règne...Un discours qui passe très bien auprès de certains parents.

    Développer l'accompagnement personnalisé des élèves et revaloriser le métier d'enseignant

    Derrière l'expression « revaloriser le métier d'enseignant », l'UMP, comme le PS d'ailleurs mais qui est lui bien plus flou sur la question, entend revenir sur le décret de 1950 qui régit le statut des profs. Avec l'autonomie des établissements, c'est l'autre grande nouveauté du programme UMP sur l'école. Au lieu de leurs 15 ou 18 heures de cours, les enseignants auraient un temps de service plus long qui comprendrait l'accompagnement individuel des élèves, mais aussi, pourquoi pas, quelques menues charges administratives.

    L'idée d'augmenter le temps de présence des profs dans les établissements n'est pas nouvelle mais jugée tellement à risque, qu'elle est toujours restée dans les cartons. On se souvient de l'effet ravageur de la vidéo pirate de Ségolène Royal prônant les 35 heures à l'école lors de la campagne de 2007. Le sujet étant hautement sensible, l'UMP se garde bien de préciser le nombre d'heures de présence qui deviendraient exigibles. En contrepartie, la rémunération des enseignants serait augmentée. Où l'on voit que la généralisation des heures supplémentaires dans l'éducation nationale a largement préparé le terrain.

    Quant à « renforcer la formation pédagogique des enseignants, notamment au début de leur carrière », on hésite à classer la mesure en « provocation » ou « plus c'est gros plus ça passe ». L'UMP, après avoir méthodiquement, via la masterisation, cassé la formation des profs, supprimé l'année en alternance – pour économiser 16.000 postes – ne manque pas d'aplomb en proposant de « renforcer » cette formation. Elle ne dit pas d'ailleurs comment elle compte s'y prendre.

    Pour que l'école favorise la réussite de chacun, passer du collège unique au collège pour tous

    La droite n'a jamais été très à l'aise avec le collège unique, accusé de niveler les élèves par le bas. Alors que dans les faits, celui-ci a toujours connu de multiples contournements (orientations précoces, classes de niveaux). L'UMP propose de signer définitivement son acte de décès. Pour répondre sans doute aux besoins d'élèves plus jugés sans avenir scolaire, l'UMP propose de créer des « classes métiers-études » dès la 4e pour pouvoir entrer en apprentissage dès 14 ans. La fin d'un tabou.

    La proposition d'opérer une transition plus douce avec le primaire, avec un nombre de profs moins importants notamment, est défendue par nombre de spécialistes de l'école. Elle est aussi très proche de ce que propose le PS.

    Promouvoir l'égalité des chances et la méritocratie républicaine

    Pour cela, l'UMP veut doubler le nombre de places en internat d'excellence. Ces établissements pour les élèves méritants de milieu modeste, au programme de 2007, accueillent aujourd'hui 10.000 élèves. Fort d'un bilan qu'il juge positif, l'UMP propose de passer à 20.000 places au cours du prochain mandat. Mais le système qui consiste à exfiltrer les bons éléments des établissements difficiles, pour leur permettre de travailler dans des conditions privilégiées, outre le fait qu'il accentue le décrochage de ces collèges et lycées de périphérie, vidés de leurs bons élèves, est aussi extrêmement coûteux. Chaque place coûte aux alentours de 10.000 euros. Le dispositif restera nécessairement limité. Mais l'affichage méritocratique est là.

    Dans la même veine, alors que certains partis s'interrogent sur la convergence entre classes préparatoires et universités, pour mettre fin à un système à deux vitesses, la proposition de créer des « classes préparatoires de transition » avant les classes préparatoires, pour ceux qui n'auraient pas tout à fait le niveau, relève de la même philosophie. Point de salut en dehors de l'élite.

    Et pour les vrais cas sociaux, bons à pas grand-chose, le programme UMP a tout prévu : une place en Epide, ces établissement publics d'insertion de la défense qui existent depuis 2005.

    Poursuivre la modernisation de l'enseignement supérieur

    Constamment mise en avant comme l'une des plus grandes réussites du quinquennat, la réforme des universités vers une autonomie toujours plus grande est donc appelée à « se poursuivre ». Au moment où plusieurs facs sont placées sous tutelle, faute de financement suffisant, que beaucoup sont contraintes de fermer des filières et de supprimer des emplois, contrairement aux engagements de sanctuariser l'enseignement supérieur, il est assez osé de faire de cette réforme, qui continue de dresser contre elle l'ensemble de la communauté universitaire, le paradigme d'une réforme réussie.

    Mais, face aux ambiguïtés d'un PS qui n'entend pas revenir sur le principe de l'autonomie, l'UMP a un boulevard et elle le sait. Rendre les licences plus pluridisciplinaires s'inscrit dans la continuité de ce qui se fait depuis quelques années déjà à la fac.

    • Justice et sécurité

    Mettre la priorité sur l'exécution de toutes les peines, en particulier pour les mineurs

    L'UMP annonce l'élaboration d'un nouveau Code pénal pour les mineurs, « pour adapter la justice des mineurs aux nouveaux phénomènes de délinquance et lutter contre le sentiment d'impunité ». Dans les faits, la justice des mineurs a déjà été durcie à 35 reprises depuis 2002, dans la droite ligne des très répressives lois Perben 1 (du 9 septembre 2002) et 2 (du 9 mars 2004). Le 6 juillet dernier, l'Assemblée a ainsi encore adopté un texte accélérant la procédure de jugement des mineurs pour la rapprocher du système des comparutions immédiates, en instaurant des tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes de plus de 16 ans, au lieu de tribunaux pour mineurs.

    La création d'un code pénal spécifique pour les mineurs a déjà été annoncée plusieurs fois pendant le quinquennat Sarkozy, avant d'être abandonnée discrètement en 2001. Elle tournerait le dos à la tradition de « l'excuse de minorité», et aux principes de la fameuse ordonnance de 1945 « relative à l'enfance délinquante » qui donne la priorité à l'éducatif, tout en le rendant indissociable du répressif.

    « Nous séparerons les fonctions, aujourd'hui confondues chez le juge des enfants, de protection des mineurs en danger et de sanction en cas de délit. » Cette proposition figurait déjà dans le programme du candidat Sarkozy en 2007. Justifiée par des impératifs d'efficacité, elle hérisse littéralement les professionnels de l'enfance et de l'adolescence, qui soulignent que, dans la plupart des cas, un mineur auteur d'un acte de délinquance est lui-même une victime, que ce soit d'actes répréhensifs ou d'un grave déficit éducatif, de difficultés familiales, économiques, sociales. C'est ce que l'on appelle depuis la Libération « l'enfance en danger ». Aujourd'hui, l'UMP préfère parler de « mineur délinquant ».

    « Parallèlement, pour les cas les plus difficiles, nous réserverons certains établissements Epide aux mineurs délinquants et nous continuerons à augmenter les capacités des centres éducatifs fermés. Nous généraliserons également le service citoyen pour les délinquants récidivistes » : il s'agit là de propositions d'affichage, pour des solutions expérimentales qui ne peuvent s'appliquer qu'à certains cas très précis, qui demandent beaucoup de moyens humains, éducatifs et d'encadrement, et dont les premiers résultats vont, jusqu'ici, du décevant au catastrophique.

    La suppression des peines et les remises automatiques sont en quelque sorte la « carotte » qui incite les détenus à observer une bonne conduite afin d'avoir le droit d'en bénéficier. Les supprimer reviendrait à adresser un signal à l'extrême droite, mais risquerait d'augmenter le désespoir et les tensions qui règnent dans des prisons vétustes et surpeuplées. Limiter les libérations conditionnelles s'avérerait aussi très certainement contre-productif, puisqu'il s'agit de sorties bien préparées par des éducateurs, et qui favorisent la réinsertion du détenu, avec un taux de récidive plus faible.

    Quant à la généralisation des peines-plancher à ceux qui réitèrent une infraction quelconque, et non plus seulement à ceux qui récidivent pour le même délit (ou le même crime), elle reviendrait à nier l'unicité de la personne jugée et la singularité de la situation examinée, tout en forçant les juges à prononcer des peines encore plus lourdes.

    Autre coup de barre à droite, la proposition de construire de nouvelles places de prison pour atteindre 80.000 places en 2017. En 2007, le candidat Sarkozy annonçait des constructions de places jugées nécessaires, mais sans les chiffrer. Il insistait surtout sur l'humanisation et l'amélioration des conditions de détention, ainsi que sur une baisse de la détention provisoire. Des promesses oubliées parmi d'autres. Aujourd'hui, il s'agit pour lui de flatter l'électorat le plus sécuritaire, en annonçant la construction de près de 30.000 places de prison supplémentaires en cinq ans. Une dépense importante, puisqu'il faudrait du coup embaucher de nombreux surveillants.

    De la même manière, « confier au Parquet la responsabilité de l'exécution des peines » reviendrait à retirer aux juges indépendants le soin de suivre l'application des peines pour la confier à des magistrats du parquet qui sont hiérarchiquement dépendants du ministère de la justice : là encore, c'est plaquer une vision autoritaire – voire automatique – de la justice sur une réalité complexe et contrastée.

    Aujourd'hui, les juges de l'application des peines manquent essentiellement de moyens pour remplir leur mission. Proposer de rogner sur leurs attributions est une façon de les désigner comme inefficaces. Le procédé avait déjà été utilisé par le candidat Sarkozy en 2007, quand il avait voulu profiter de l'affaire d'Outreau pour modifier la fonction de juge d'instruction, puis essayer de la supprimer, en vain.

    Accroître la présence des forces de l'ordre sur le terrain

    Quelque 3.000 postes de policiers et de gendarmes doivent être supprimés en 2012. Leur nombre est aujourd'hui inférieur de 2.844 à celui enregistré lors de l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur en 2002. Le même Nicolas Sarkozy a, en 2003, supprimé la police de proximité, depuis ressuscitée sous diverses appellations par ses ministres de l'intérieur successifs (le dernier dispositif étant celui des patrouilleurs, créé par Claude Guéant).

    Il paraît donc plus que paradoxal de vouloir aujourd'hui « accroître la présence des forces de l'ordre sur le terrain en généralisant les patrouilleurs » et « en développant les nouvelles technologies ». Même les achats de fournitures pour la police technique et scientifique (PTS) ont baissé de 4,2 millions d'euros à 3,6 millions d'euros entre 2008 et 2010, « en contradiction avec la priorité ministérielle affichée en faveur de la PTS », soulignait cet été la Cour des comptes, dans son rapport sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité.

    Le projet UMP est plus cohérent avec son propre bilan lorsqu'il vante « la police municipale, véritable troisième force de sécurité ». Le nombre des agents municipaux a en effet augmenté de 35 % entre 2002 et 2010, passant de 14.300  à 19.370 agents. Mais c'est une solution de sauve-qui-peut que de compter sur une « meilleure coordination » des polices municipales avec les forces de sécurité nationale pour « renforcer l'investigation et la lutte contre tous les phénomènes de délinquance ». Cette orientation inquiète également alors que la Cour des comptes avait relevé d'importantes disparités entre villes « susceptibles de compromettre l'égalité de traitement des citoyens au regard de leur droit à la sécurité ».

    • Immigration et identité nationale

    Renforcer la maîtrise des flux migratoires, mobiliser le cadre national et européen

    L'UMP veut moins d'immigrés mais ne le formule pas explicitement. Son programme, toujours plus restrictif en matière de droits des étrangers, ferme définitivement la parenthèse de l'immigration « choisie », ouverte par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'intérieur, où il était question de favoriser les entrées de travailleurs. Plus aucune mention n'est faite de quotas par métiers ou par nationalités, à la différence de ce que vient de faire Claude Guéant en relançant ce projet.

    Mais, curieusement, le parti majoritaire ne reprend pas non plus à son compte l'actuelle politique du gouvernement, portée par le ministre de l'intérieur, de réduction de l'immigration légale, comme si celle-ci n'était destinée qu'à la période pré-électorale. Aux slogans frontistes en faveur d'une « immigration zéro », l'UMP préfère les freins et les tracasseries administratives, qui, à la longue, finissent par décourager les étrangers placés en situation de devoir fournir toujours plus de preuves de leur volonté de « s'intégrer ».

    Déjà durcies en 2006, les conditions du regroupement familial, concernant les étrangers souhaitant faire venir en France leur famille proche, devraient connaître un nouveau tour de vis, la délivrance de titres de séjour devenant « strictement » liée à l'entrée légale sur le territoire. De quoi rabattre les espoirs de régularisation de nombre de sans-papiers.

    Le rapprochement familial, touchant les Français mariés à des personnes de nationalité étrangère, serait lui aussi visé, les critères de ressources et de logement devant être alignés sur ceux du regroupement familial. À propos des expulsions, il n'est pas fait état d'objectifs chiffrés, mais sans doute cela est-il indifférent, l'UMP projetant de « renforcer les capacités des centres de rétention administrative ». Pas un mot sur les régularisations dont se servent les élus de droite (comme ceux de gauche) pour répondre aux attentes de leurs électeurs dans les circonscriptions.

    En revanche, finie l'hypocrisie sur la politique d'aide au développement : il est clairement énoncé qu'elle ne dépend plus de considérations stratégico-humanitaires. Non, elle dépendrait, de même que le nombre de visas délivrés, de la « coopération » des pays d'origine « pour le retour de leurs ressortissants immigrés illégaux ». Autrement dit, ceux qui refuseraient de délivrer les laissez-passer nécessaires aux reconduites à la frontière seraient sanctionnés financièrement.

    L'une des principales régressions touche l'Aide médicale d'État (AME), dont sont bénéficiaires les sans-papiers résidant sur le territoire depuis au moins trois mois. Alors que les patients, parmi les plus démunis, viennent de se voir imposer un forfait de 30 euros pour entrer dans le dispositif, l'UMP veut encore la réformer afin qu'elle soit « mieux contrôlée et recentrée sur les situations d'urgence sanitaire et sur les risques épidémiques ». En perdant son statut de droit garantissant un accès aux soins de base, l'AME ainsi réduite deviendrait un risque pour la santé publique de tous.

    Affirmer les valeurs républicaines

    Dans le collimateur, les enfants de l'immigration, avec, en filigrane, une remise en cause du droit du sol, en supprimant l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française à la majorité des jeunes nés en France de parents étrangers. Ce que l'UMP appelle une « dynamique positive » peut être, à l'inverse, considérée comme logique défensive, puisque désormais ces personnes devront aller vers l'administration pour faire une demande en bonne et due forme.

    Sans surprise, le parti majoritaire déclare n'avoir aucune intention d'accorder le droit de vote aux étrangers aux élections locales. À noter néanmoins qu'il n'est pas non plus question dans ce programme de rétablir le ministère de l'immigration et de l'identité nationale, comme si l'expérience dudit ministère et du « grand débat » avait été jugée, au bout du compte, pas assez rentable, ou, au contraire, dangereuse.

    Afin de « renforcer le sentiment d'appartenance et favoriser l'engagement », l'UMP s'adresse cette fois-ci à l'ensemble de la jeunesse, qu'il s'agit, comme à chaque élection, de mobiliser en vue de constituer une petite armée « volontaire » et « disponible », alors que cette population est particulièrement précarisée. « Nous mettrons tout d'abord en place un parcours de citoyenneté, de civisme et de l'esprit de défense. Ce parcours s'articulera tout au long de la vie autour d'événements structurants, notamment pour chaque enfant une cérémonie d'entrée dans la vie citoyenne à 18 ans, une semaine Défense et Citoyenneté (à la place de l'actuelle journée, ndlr) qui devra évoluer, à la fin du quinquennat, vers un service civique universel et obligatoire », propose ce parti qui entend aussi « développer une nouvelle Réserve citoyenne, composée de volontaires issus de divers organismes, institutions, associations, qui sont prêts à se rendre disponibles pour des missions d'intérêt général », par exemple en cas de crises.

    Tout en « réaffirmant » leur attachement au principe de laïcité, les membres de la majorité présidentielle veulent « étendre les obligations de neutralité du service public aux collaborateurs occasionnels et aux structures privées des secteurs social, médico-social ou de la petite enfance chargées d'une mission de service public ou d'intérêt général (hors structures à caractère confessionnel) ».

    Consolider l'identité européenne en défendant les frontières de l'Europe

    L'UMP prône une version guerrière de l'identité, liée uniquement à la défense par l'UE de ses frontières extérieures, les immigrés étant potentiellement vus comme des ennemis. En guise de protection, ce parti envisage la suspension de l'espace Schengen des États membres qui ne respecteraient pas les règles communes. Comme si elles ne l'étaient pas, il souhaite que « les frontières de l'Europe soient clairement définies », poursuivant les processus d'adhésion engagés avec les pays des Balkans, mais s'opposant à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

    • International

    Renforcer le rayonnement de la France grâce à la francophonie et aux Français de l'étranger

    C'est un grand classique des programmes de la droite : faire croire que la francophonie est l'un des instruments majeurs du « rayonnement de la France » à l'étranger. Or les moyens financiers mis à la disposition de l'organisation de la francophonie n'ont cessé d'être réduits. Surtout l'amputation continue des moyens financiers du ministère des affaires étrangères – une baisse dénoncée par Alain Juppé avant son entrée au gouvernement – a considérablement diminué les actions culturelles et de coopération à l'étranger.

    Continuer à améliorer la gouvernance mondiale

    Oui, bien sûr, mais comment ? Le programme de l'UMP n'en dit rien, quand la plupart de ses dirigeants l'ont de fait exclu en affirmant haut et fort que le parti socialiste voulait brader le siège de la France comme membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies. Rien n'est donc dit de la réforme du conseil de sécurité, de son éventuel élargissement à de nouveaux pays (Brésil, Allemagne, Inde, Afrique du Sud), ou de la création d'un siège européen. Rien n'est dit également d'un ajustement du G-20 dont les dernières réunions se sont soldées par de retentissants échecs.

    Garantir la protection des Français et l'influence de la France grâce à la Défense nationale

    Quelques banalités sur la défense européenne, rien sur l'engagement français en Afghanistan et pas un mot sur la reconfiguration de nos forces armées : ce domaine réservé par excellence du chef de l'Etat échappe au radar UMP.

    • Europe

    Instaurer des relations commerciales équitables avec le principe de réciprocité

    Même si cette approche n’a rien de particulièrement original dans le contexte idéologique hexagonal, on a affaire ici à un clin d’œil appuyé en direction des électeurs sensibles aux thèses du Front national ou de certains souverainistes, à droite comme à gauche.

    Ce qui est intéressant, c’est que le programme UMP s’aventure, au-delà des vœux pieux sur la « réciprocité » dans les rapports commerciaux internationaux, vers la définition d’outils susceptibles de l’imposer. Et c’est là que les difficultés commencent.

    D’abord, il faut rappeler aux auteurs de ce document, qui semblent l’ignorer, que les règles et même la jurisprudence de l’OMC, permettraient, à certaines conditions d’égalité de traitement, la mise en place, par exemple, d’une « taxe carbone » aux frontières de l’UE. La principale difficulté est ici de convaincre les autres pays européens de se rallier au panache blanc français dans cette croisade protectionniste. Ce n’est pas gagné.

    Ensuite, il faudra apporter la démonstration concrète, produit par produit, que l’empreinte carbone de producteurs asiatiques (on suppose que ce sont eux qui sont visés) est sensiblement supérieure à celle de leurs concurrents européens. Et là, on aura des surprises car c’est souvent faux, pour la bonne et simple raison que leurs usines, de construction très récente, sont souvent écologiquement plus vertueuses que des installations européennes plus anciennes.

    L’OMC mène d’ailleurs sur ce sujet des études très prometteuses (mais pas pour tout le monde). Sans compter que dans nombre de secteurs qui pèsent lourd dans le massif déficit commercial français (rappelons tout de même que l’Allemagne est fortement excédentaire et l’UE globalement à l’équilibre), les productions nationales ont disparu ou n’ont même jamais existé (où sont les fabricants européens ou français de dalles pour écrans plats ?).

    Derrière cette obsession de la « protection » des Européens, qui renvoie de manière pas du tout subliminale au président « protecteur » que serait Nicolas Sarkozy, il y a fondamentalement une mentalité de « loser », un défaitisme malheureusement largement partagé par une classe politique coupée des réalités productives. La plus grosse part d’un déficit commercial devenu structurel, la France l’enregistre avec des pays qui sont en Europe et partagent la même monnaie.

    S’agissant des marchés publics, il est exact que l’Union européenne s’est parfois fait piéger (ainsi au Canada, où les provinces ne respectent pas les engagements fédéraux) mais globalement, les grandes entreprises européennes actives sur ces marchés sont massivement exportatrices et le marché européen reste bien protégé. En outre, avant de faire la leçon à la terre entière, il faut pouvoir soi-même afficher un comportement exemplaire en matière d’attribution des marchés publics. C’est loin d’être le cas, si l'on en croit certaines informations sur le « Pentagone à la française ».

    Stabiliser et consolider la zone euro grâce à l'intégration économique et fiscale à 17

    Ce passage du programme est en partie périmé, puisque le futur traité européen lancé en décembre dernier à Bruxelles, toujours en cours de rédaction, et qui devrait être adopté lors d'un Conseil en mars, prévoit déjà d'imposer une « règle d'or » à tous les pays de la zone euro. Il devrait aussi préciser les contours encore très flous d'un futur « gouvernement économique ».

    Selon le programme de l'UMP, ce « gouvernement » se limiterait à une réunion « six fois par an » des chefs d'Etat de la zone euro... En fait, la grande majorité des partis français défend désormais l'idée d'un « gouvernement économique européen », et la version prônée par l'UMP est la plus prudente, puisqu'elle va le moins loin dans l'intégration européenne. Rien à voir avec un véritable gouvernement, où les commissaires européens seraient, par exemple, responsables devant le Parlement, comme le propose Europe Ecologie-Les Verts.

    Pour le reste, le parti présidentiel plaide pour une « Assemblée parlementaire de la zone euro », qui regrouperait des eurodéputés et des élus d'hémicycles nationaux. Ce cénacle pourrait assurer le suivi des décisions prises lors des Conseils européens. C'est une originalité par rapport aux programmes des partis concurrents. L'idée, défendue de longue date par l'eurodéputé Alain Lamassoure, avait déjà été testée, en fin d'année dernière, en amont d'un Conseil européen. Le projet s'annonce délicat à mettre en place sur le long terme, mais il présente un mérite évident, parce qu'il tente de concilier des contraires : d'un côté, continuer à avancer dans l'intégration européenne, en conférant davantage de pouvoirs au Parlement et à la Commission, et de l'autre, garantir la légitimité démocratique du processus, assurée par les parlements nationaux.

    Continuer à enrichir la construction européenne avec des projets entre Etats pionniers, en commençant par le moteur franco-allemand

    L'UMP propose la mise en place d'un noyau d'Etats « d'avant-garde » (trois, cinq, dix ?), sur des thématiques précises, comme la création d'une centrale européenne d'achat de gaz et de pétrole, ou d'un géant européen des rails. C'est exactement la même méthode qu'a choisie Nicolas Sarkozy pour avancer sur la taxe sur les transactions financières : ceux qui m'aiment me suivent, et tant pis si Londres préfère rester dans son coin. Rien de neuf, dans ce projet assez consensuel, puisque « l'Europe à géométrie variable » (principe analysé ici sur Mediapart), défendue par les « pragmatiques », à Bruxelles, a toujours existé ou presque – au moins depuis 1984 et la volonté de Margaret Thatcher de faire bande à part.

    • Ecologie et énergie

    Promouvoir l'indépendance et la sécurité alimentaire / Confirmer le choix du développement durable, avec le soutien aux filières vertes et à la filière nucléaire

    Par rapport à 2007, les propositions de l’UMP sur l’écologie se réduisent cette année à peau de chagrin. Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy se présentait devant les électeurs avec dans son escarcelle toute une batterie de mesures fiscales : taxe carbone, TVA à taux réduit sur les « produits propres », allègements fiscaux pour tous les produits et comportements écolos, et en particulier pour le bio, mais aussi crédit d’impôt environnemental pour les ménages et les entreprises. Sans oublier des avantages pour les propriétaires de véhicules propres.

    Cette fois-ci, la provision est bien plus maigre : le parti présidentiel se contente de proposer de « valoriser » l’offre française d’éco-produits. Comment ? De combien ? Suspens… Flou tout aussi artistique pour l’objectif de « développer les filières vertes ». De quoi parle-t-on ? Des énergies renouvelables, des bio-carburants, de l’agriculture biologique ? De tout à la fois ? Rien n’est chiffré, ni les objectifs à atteindre, ni les investissements requis.

    Seule nouveauté de cette très brève contribution : l’instauration d’un critère environnemental et énergétique des commandes publiques et de l’attribution des aides publiques. Mais là aussi, aucune piste de chiffrage, et la formulation reste bien timide alors que certains n’hésitent plus à évoquer l’interdiction des subventions aux hydrocarbures. Bref, ce n’est ni une nouvelle approche, ni la simple redite du programme de 2007. En fait, ce n’est presque rien.

    • Logement

    Construire plus pour les classes moyennes et accompagner chacun dans son parcours résidentiel

    Le projet UMP s'inscrit dans la lignée des orientations du candidat Nicolas Sarkozy qui, en 2007, plaidait pour une France « où chacun pourra accéder à la propriété de son logement ». Pourtant, cinq ans après, les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses. Environ 57 % des ménages étaient propriétaires de leur logement en 2007. Ils furent 58 % en 2011. Cette augmentation de 1 point en quatre ans est pratiquement la même progression qu'entre 2002 et 2007 et reste encore très en deçà des 70 % promis par le candidat Sarkozy.

    Malgré cet échec, l'UMP continue de penser que l'accession à la propriété est l'une des « aspirations profondes » des Français. Le projet entend « encourager les maires "constructeurs" en zone tendue », pour favoriser la construction de « logements intermédiaires » destinés aux classes moyennes. Budget ou nombre de construction : aucun chiffre n'est encore avancé.

    « Maintenir (l')effort sur la construction de logements sociaux », telle est l'ambition de l'UMP. Pour pallier les diminutions des budgets de l'État, le projet prévoit d'instaurer « un droit d'achat » pour les locataires de logement social. « Les revenus de ces ventes contribueront au financement de nouveaux logements sociaux », précise le texte. Une mesure qui n'est pas sans rappeler le plan « Propriété pour tous », instauré par Gilles de Robien, en charge des politiques de logement sous le gouvernement Raffarin, et qui n'avait séduit que très peu de locataires si l'on en croit les chiffres d'Acteurs publics : 4.800 logements sociaux ont été vendus en 2007, 4.500 en 2008, 3.000 en 2009.

    Toujours sur le volet du logement social, le projet propose de « créer un guichet unique de la demande (...), au niveau de chaque agglomération, regroupant tous les acteurs compétents. Ce guichet unique enregistrerait toutes les demandes, procéderait à une cotation de chaque demande (priorisation par critère avec rang individuel de priorité) et flécherait les attributions de logements ». Une façon pour le parti d'opérer « une transparence totale dans l'attribution des logements sociaux » et de contourner les critiques entourant le dispositif du droit au logement opposable (Dalo) qui reste, quatre ans après son entrée en vigueur, très mal appliqué.

    Si le projet UMP entend mettre l'accent sur les classes moyennes, il n'aborde pas la question du mal-logement et se contente d'effleurer celle des populations les plus démunies. Le parti évoque en effet le sujet épineux des expulsions en proposant un dispositif visant à... les accélérer. Sous couvert de faciliter « la location de logements dans le parc privé à prix raisonnables pour les personnes à faibles revenus », l'UMP sort de son chapeau une idée pour le moins risquée, habilement appelée « le bail gagnant-gagnant ». Le principe ? Inciter le propriétaire à accepter de pratiquer des loyers faibles et de renoncer aux garanties, en échange de délais de préavis plus réduits. Une proposition qui, précise le projet, « permettrait également de simplifier et d'accélérer les procédures d'expulsion pour les locataires de mauvaise foi ou qui troublent le voisinage ». Un « bail gagnant-gagnant » dont les locataires, en proie à une insécurité permanente, auraient toutes les chances de ressortir perdants.

    • Santé

    Garantir à chacun la santé de demain

    Cette formule creuse résume le projet UMP pour la santé, qui reprend en grande partie la rhétorique du candidat Sarkozy en 2007, sans aborder les problèmes réels de la santé publique dans notre pays. Pas un mot sur les scandales sanitaires à répétition (Mediator, prothèses PIP...) ; pas un mot sur l'étouffement bureaucratique et l'engorgement du système hospitalier, que Nicolas Sarkozy avait au moins eu le mérite d'évoquer en 2007 ; et pas un mot sur la prise en charge des personnes âgées, en dehors de l'affirmation non démontrée selon laquelle la France posséderait « une avance face aux défis de l'autonomie ». Les seules innovations proposées vont malheureusement dans le sens du fichage des citoyens et de la tendance générale à renforcer l'Etat policier qui caractérise le système Sarkozy.

    La France, d'après l'UMP, peut s'enorgueillir « de bénéficier de l'un des tout meilleurs systèmes de santé au monde », un modèle «que le monde entier nous envie». Si c'est bien le cas, pourquoi vouloir le changer ?

    L'UMP prétend « soutenir l'ambition de notre recherche et de notre industrie pour proposer de nouvelles thérapies » et « générer de la croissance économique » : l'idée est sympathique, mais relève du vœu pieux en l'absence de la moindre proposition de nature à développer notre recherche biomédicale, à la traîne si on la compare à celles de pays du même niveau économique comme la Grande-Bretagne.

    Un « nouveau contrat de santé aux professionnels et aux patients pour renforcer l'accessibilité géographique et financière des soins ». Sarkozy promettait déjà en 2007 d'« améliorer les conditions de travail des professionnels de santé » et de garantir « l'égalité et l'équité de l'accès aux soins pour tous sur tout le territoire ».

    Faire en sorte que « chaque euro dépensé le soit à bon escient », là où le candidat de 2007 voulait que « tout euro dépensé dans la santé [soit] un euro utile ». Comme en 2007, les moyens de cette maîtrise des coûts restent flous, en dehors de la lutte contre la fraude, que l'UMP voudrait combattre en créant une « carte sociale sécurisée » (voir ci-dessous).

    Garder notre avance face aux défis de l'autonomie : handicap et dépendance

    Le projet UMP vise à poursuivre « pour les personnes handicapées le travail engagé depuis la loi de 2005 », mais ne propose pas l'ombre d'une solution concrète pour y parvenir. Rappelons que la réforme de la dépendance, qui était une promesse de campagne du candidat Nicolas Sarkozy en 2007, a fini par être abandonnée, pour ce mandat en tout cas, après avoir été maintes fois reportée.

    • Culture

    Transmettre notre patrimoine culturel et favoriser la création

    La culture saupoudre les programmes avec constance depuis des lustres. Il s'agit toujours de vendre du rêve incantatoire : train-train nébuleux et trémolos hétéroclites. En 1981, parmi les 110 propositions de François Mitterrand, les envolées culturelles des 98e et 99e velléités ressemblaient trait pour trait aux promesses, en la matière, de l'UMP trente et un ans plus tard : développer l'enseignement artistique, ouvrir les portes des musées, aider la création, enrichir (au sens figuré) des citoyens soudain et enfin confrontés à la beauté.

    La gauche insiste sur le messianisme étatique, tandis que la droite vise les profits (au sens propre) générés par ce « secteur économique dynamique » constituant « une force pour l'attractivité de la France ». L'UMP semble même allumer un cierge au pied de la main invisible du marché, souhaitant « faire contribuer les acteurs transnationaux de l'Internet au financement de la production des contenus culturels ». Vœu aussi vague que pieux.

    Le quinquennat qui s'achève aura cependant douché les enthousiasmes de la majorité actuelle. En avril 2007, le candidat Sarkozy trompétait : « Je stimulerai la création. » En 2012, l'UMP, mezzo voce, veut « favoriser la création ». Le sabre au clair a regagné son fourreau.

    Un pied se voudrait dans la modernité (le bouillonnement innovateur), l'autre dans le passé (l'exploitation de l'héritage national). Là aussi, la gauche et la droite se rejoignent. En septembre 2009, alors que le président Sarkozy venait de saluer les journées du patrimoine comme « une très bonne idée de Jack Lang », Valéry Giscard d'Estaing, qui ouvrait les portes de son château à Estaing (Aveyron), siffla rageusement que cette tradition date de septembre 1980 : « En septembre 1980, qui était président de la République ? Je vous laisse deviner. »

    La gauche rêvait d'une allégorie progressiste (le Peuple découvrant ses trésors), la droite a une arrière-pensée plus marquée : « Je veux que les citoyens se réapproprient le patrimoine et qu'à travers lui ils retrouvent leur identité » (Nicolas Sarkozy, avril 2007). En écho, le programme de l'UMP en 2012 : « À travers la culture se transmet cet ensemble de repères esthétiques, intellectuels et moraux qui fournit à nos concitoyens un monde commun de valeurs et de références. » Une certaine idée de l'instruction civique pointe le nez.

    Tout cela n'est, de toute façon, qu'une incantation en forme de déni, résumée par le premier verbe du slogan de l'UMP : « Transmettre. » La France vit une panne de transmission et souffre d'une fracture culturelle, que le parti présidentiel s'applique à ne point voir en prétendant offrir la même chose à chacun, dans une société pourtant désormais fractionnée en segments. La télévision, instrument de masse par excellence, relève du supermarché plutôt que de l'université populaire, voire du musée imaginaire. De surcroît, avec la décentralisation, toute politique culturelle est devenue le nec plus ultra d'une communication municipale ou régionale aux mains des castes qui se sont constituées, en particulier dans le domaine de l'art contemporain. Le couplet sur la culture, lors d'une élection présidentielle, relève donc plus que jamais du verbiage automatique et du somnambulisme politique.

    • Sport

    Être sur le podium des grandes nations sportives

    Derrière la formule, plein de contradictions. D'abord, une illusion structurelle : il apparaît aujourd'hui chimérique pour la France de prétendre parvenir dans les trois premières places du sport mondial, au regard de l'écart actuel séparant le sport tricolore des États-Unis, de la Russie, de la Chine, et même de l'Angleterre et de l'Allemagne. La proclamation apparaît donc comme une pure fanfaronnade. Pour y parvenir toutefois, l'UMP défend la « lutte contre les dérives du dopage ». Mais depuis le mandat de la communiste Marie-George Buffet, aucun crédit supplémentaire ni volontarisme affiché n'ont rythmé l'agenda sportif de la droite.

    En outre, le programme reste flou sur le périmètre géographique de ses déclarations d'intention : pour quelles zones et quels sports l'UMP veut-elle faire adopter les « règles du fair-play financier » ? Pour l'heure, cette notion est seulement développée timidement aujourd'hui par le seul Michel Platini, à la tête de l'UEFA (l'instance dirigeante du foot européen).

    Quant au dopage, la France est déjà la nation la moins laxiste des grands pays sportifs. L'UMP propose également de « créer un comité national d'éthique chargé de veiller au respect des valeurs du sport ». Ou comment créer une commission bidule en plus de celles déjà existantes, dans chaque fédération.

    Il est aussi défendu l'idée d'une « cellule de lobbying permanente pour les grands événements sportifs », ce qui laisse songeur sur la façon de répondre aux récents échecs français dans les candidatures de grands événements sportifs, alors même que la France a tout de même remporté l'organisation de compétitions (comme l'Euro 2016). Pour être compétitif, soyons, nous aussi, à la limite de la corruption.

    Enfin, l'UMP veut « promouvoir la polyvalence des équipements sportifs », sans donner davantage d'explications. Cela signifie-t-il que l'UMP encourage davantage la multiplication des partenariats public-privé pour construire de nouvelles enceintes, le plus souvent démesurées ? (Lire notre enquête sur ce sujet.)

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